Depuis mon arrivée au Québec, j’ai pu découvrir de nouveaux concepts et de nouveaux auteurs dans le domaine de la gestion et de l’économie. Aujourd’hui j’aimerais partager avec vous un nouveau concept que j’apprécie beaucoup : la pensée systémique qui a été développée par Donella Meadows (non traduit en français malheureusement).
Avec la spécialisation des compétences à outrance et la division des tâches (Taylorisme), nous avons perdu petit à petit la vision d’ensemble. Chacun est cantonné à son champs d’action et ne se préoccupe peu voir pas du tout des autres secteurs. Nous voyons l’arbre mais pas la forêt. Dans son livre Thinking in Systems (non traduit en français malheureusement) , l’auteur nous propose une nouvelle façon d’aborder les choses, et les problèmes. Elle nous propose d’adopter la pensée systémique.
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Qu’est ce que la pensée systémique ?
Un système est un ensemble d’éléments qui est organisé de façon cohérente en vue de remplir une fonction ou d’atteindre un objectif. Il existe :
- des systèmes simples (linéaires et prévisibles) du type A==>B==>C, comme par exemple une fonction mathématique.
- des systèmes compliqués, composés de plusieurs systèmes simples, et donc analysables par décomposition comme par exemple un logiciel informatique.
- des systèmes complexes (non linéaires et imprévisibles) comme le corps humain.
Un système complexe est très difficile à analyser, surtout si l’on croit qu’il s’agit d’un système compliqué. La science moderne qui a voulu tout rationaliser ne nous a pas permis jusqu’à maintenant d’étudier les systèmes complexes, car ne se concentrait que sur des évènements prévisibles. La pensée systémique cherche à combler cette lacune et force à voir et comprendre les systèmes dans leur ensemble plutôt que par décomposition.
Qu’est ce qu’un système complexe ?
Comme dit précédemment, un système complexe n’est pas linéaire. L’entreprise par exemple est un système complexe dans son ensemble. Il est très difficile de prévoir ce qui va se passer car :
- Les réseaux et les liens de causes à effets y sont nombreux (environnement économique, environnement social, …)
- Des délais. Des causes peuvent avoir des effets à court terme, d’autres à très long terme. Par exemple, une décision stratégique peut avoir une conséquence immédiate ou au contraire des conséquences bien plus tard.
- Des boucles de rétraction négatives régulent le système. Par exemple, le service après vente permet d’atténuer ou de résoudre l’insatisfaction de certains clients.
- Des boucles de rétroaction positive (boucle amplificatrice). Par exemple,créer un service commercial afin de décupler le nombre de ventes.
- Propriété d’émergence, lorsque des propriétés globales qui émergent des interactions locales entre les éléments d’un système complexe. Le tout est plus que la somme de ses parties. Par exemple lorsque l’entreprise investit X dollars dans un logiciel et Y dollars dans une machine associée. Le retour sur investissement doit être supérieur à X + Y.
- Effet de seuil, lorsqu’il existe un “seuil” en dessous duquel la conséquence est proportionnelle à la perturbation et au-delà duquel les choses se mettent à évoluer de manière totalement différente. Par exemple, lorsque l’on augmente le prix d’un produit, le chiffre d’affaire augmente en proportion jusqu’au moment où les clients ne souhaitent plus acheter les produits car trop chers.
- L’effet papillon, petit effet aux très grandes conséquences. Par exemple, un mot lors d’une interview peut provoquer la chute ou au contraire une très forte augmentation de la valeur d’une action d’une entreprise (exemple “OPA”).
Comme montré ci-dessus donc, l’entreprise est un système complexe qui mérite d’être étudié en tant que tel.
Les composantes de la pensée systémique selon Donella Meadows
Afin de faire évoluer un système complexe, Donella Meadows propose d’agir sur 12 leviers classés par ordre croissant de “puissance”. Voici ces leviers illustrés par notre exemple de l’entreprise en tant que système complexe comme vu plus haut :
1. Les quantités mesurables, les chiffres (augmenter ou diminuer les prix)
2. La dimension des stocks régulateurs par rapport aux flux (marge de manœuvre permettant de supporter les flux) (augmenter le stock de produits)
3. La structure des flux et des stocks (modifier son mode de production ou son processus d’achat)
4. La longueur des délais par rapport à la vitesse de changement du système (diminuer le temps de production)
5. L’effet régulateur des boucles de rétroaction négative (créer un service après vente)
6. L’effet amplificateur des boucles de rétroaction positive (créer un service marketing et commercial)
7. Les flux d’information (modifier le processus de décision)
8. Les règles du système (modifier le règlement intérieur d’une entreprise afin d’augmenter le temps de travail par exemple)
9. Le pouvoir du système de se créer, de s’auto-organiser ou de changer sa structure (donner plus de libertés aux employés en leur permettant d’entreprendre – faire de l’intrapreneuriat)
10. Les objectifs du système (changer la raison sociale de l’entreprise)
11. La vision du monde ou paradigme qui sous-tend le système (adopter une vision et un comportement développement durable, intégrant ainsi des paramètres non plus uniquement économiques, mais également sociaux et environnementaux)
12. La capacité de transcender les paradigmes (changer le monde)
Si vous agissez sur le premier levier, vous aurez peu de résultats. En revanche si vous agissez sur le 12ème levier, vous aurez d’énormes résultats. Mais bien entendu, il est beaucoup plus facile d’agir sur le premier levier que sur le dernier (le classement de difficulté est également croissant dans ce cas). Cet outils permet donc d’avoir une approche plus globale et de prendre les décisions les plus adaptées par rapport aux objectifs de changement que nous souhaitons et par rapport aux moyens que nous avons.
Comme le titre l’indique, je pense qu’adopter cette pensée peut nous permettre de mieux entreprendre car elle permet d’adopter une vision plus globale et polyvalente, ce que doit adopter un entrepreneur justement.
J’espère que vous avez également apprécié cette autre façon de voir les choses.
Suite au commentaire très pertinent de Julien, j’ai décidé de mettre à jour l’article afin d’essayer de clarifier un peu le concept par un exemple un peu plus concret :
Merci pour ton commentaire. Personnellement j’utilise cette technique pour analyser un problème qui nécessite un changement. Par exemple, je suis consultant externe et la commune de Montréal fait appel à mes services pour diagnostiquer et régler les problèmes d’embouteillages dans cette ville. En utilisant cet outil, je procéderais de manières différentes selon le levier sur lequel je vais agir :
- les chiffres : je vais augmenter le nombre de voies de circulation sur l’unique pont qui permet d’accéder à cette ville-île. Cela aura des répercussions à court terme car il y aura toujours plus de voitures et donc sera toujours autant encombré à la longue .
- les stocks régulateurs : je vais construire d’autres routes de substitution dans la ville afin d’augmenter la capacité d’absorption du nombre de voitures de la ville. Cependant, même problème que ci-dessus, impact court terme.
- la structure des flux : je modifie la cartographie des rues afin de les optimiser et de limiter les nœuds de congestion. Cette solution est plus compliquée à mettre en place mais a des effets plus durables.
- La longueur des délais : je mets en place un système de déviation en réaction à une situation de crise. On diminue le temps de réaction, mais il faut faire attention à ne pas trop le réduire afin de ne pas se précipiter et de faire des erreurs.
- Boucles de rétroaction négative : je force la réduction du nombre de voitures avant que la ville n’arrive à saturation. On peut voir cette possibilité extrême lors des pics de pollution. Cela permet de stabiliser le système (la circulation à Montréal).
- Boucles de rétroaction positive : afin de limiter l’emballement du système (toujours plus de bouchons), je pourrais développer un système de transport en commun en parallèle avec les transports privés.
- Les flux d’information : je ferais développer (si possible bien entendu 😉 ) une application permettant d’anticiper les flux de véhicules et donc de réagir avant les bouchons. On ne penserait plus en terme de réaction mais d’action.
- Les règles du système : faire de nouvelles lois décourageant l’utilisation de la voiture à Montréal et encourageant l’utilisation des transports en commun.
- Le pouvoir du système de se créer, de s’auto-organiser ou de changer sa structure : je permettrais aux ingénieurs de changer les routes et les ponts en fonction du flux de véhicules en temps réel (solution irréalisable, mais je n’ai pas d’idées réalisables sur cet exemple, n’hésitez pas à faire vos propositions dans les commentaires)
- Les objectifs du système : je changerais l’objectif d’ « éviter les congestions des rues et routes à Montréal » par « développer les transports en commun et éviter l’utilisation de véhicules individuels en ville »
- Le paradigme : je modifierais le paradigme actuel québécois du « tout voiture » par « la voiture en milieu rural, mais les transports en commun en milieu urbain »
- Transcender les paradigmes : Faire en sorte que la population mondiale utilise moins les transports individuels pour privilégier les transports en commun.
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15 réponses sur « Adopter la pensée systémique et entreprendre efficace »
Très bon article de fond, qui démontre relativement bien la relative simplicité de ce concept aux allures barbares. C’est en effet un mode de raisonnement utile pour tout manager / entrepreuneur! Pourrais tu nous donner un exemple concret d’un moyen dont tu te sertnde la pensée systémique?
Merci Julien pour ce commentaire. J’ai effectué des modifications à la fin de l’article afin d’y intégrer un exemple plus concret de l’utilisation de ce puissant outil. J’espère qu’il est pertinent et qu’il illustre mieux mes propos.
Whaou! réactif, et tu n’as pas lésiné sur les moyens : l’exemple est parfaitement détaillé et très parlant! Merci pour cet ajout! 🙂
Merci pour cet article très complet Jérôme, j’avais bien besoin d’une introduction depuis le temps que j’entends parler de la systémique! 🙂
Merci Jérôme pour cet article, très intéressant!
Tres bon article et très bonne illustration. Merci beaucoup pour ce partage.
Très bon article qui décrit et illustre très bien la pensée systémique ! Mais au delà de la voir dans le monde professionnel, il s’agit aussi de pouvoir l’appliquer au quotidien. Arrêter par exemple de penser qu’un problème n’a qu’une source ou quune solution est unique.. La vie n’est pas un modèles mathématique est ça c’est réjouissant ! =)
Oui @leilapons:twitter , la pensée systémique et les systèmes complexes s’appliquent aussi bien au monde professionnel qu’au monde personnel. C’est un état d’esprit qui peut être très utile et très impactant quelque soit son environnement !
Voici la vidéo sur les systèmes complexes et la pensée systémique que je viens de publier : http://youtu.be/CyHQc5mlgh8
J’espère qu’elle vous sera utile.
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Jérôme @jero974:twitter
Très intéressant comme thématique, et comme article ! Je regarderai la vidéo ce weekend. Pour une ressource en français sur la question, vous pouvez voir le Macroscope de Joël de Rosnay, pas toujours simple à lire mais très intéressant.
Et concernant l’effet de seuil, il y a le passionnant “Tipping Point” de Malcolm Gladwell qui traite le sujet en profondeur.
Merci beaucoup Pierre-Adrien. Je regarderai les sources que vous venez de me citer !
Bien que cela soit très intéressant, j’ai toujours un grand problème avec ces belles théories, je ne vois pas comment un petit entrepreneur, peut se permettre d’avoir ce genre de réflexion, c’est un peu trop “théorique” pour être appliquable à de petites structures … non ?
Bonjour,
En fait la pensée systémique vous permet d’avoir une vision d’ensemble de tout le système dans lequel vous évoluez (votre marché, vos clients, vos fournisseurs) et de mieux le comprendre. Il s’agit plus d’un état d’esprit que d’une recette ou d’une méthode. Cet état d’esprit est donc applicable mais plutôt du point de vue de l’entrepreneur (et de ses collaborateurs le cas échéant) plutôt que d’une petite organisation). Et comme tout état d’esprit, il est difficile d’avoir du concret palpable pour l’expliquer ;-).
Bonjour, c’est très bien tout ça ! Merci pour cet article… Mais pourrais-tu nous citer tes sources ? Merci
Merci pour cet article. Je vous suggère d’aller voir du côté de l’École de Palo Alto: vous m’en direz des nouvelles. Cordialement