Développer son activité à l’étranger : voici un challenge intéressant à relever pour une startup, surtout lorsqu’elle est sur Internet. Mais comment faire pour la traduction ? C’est ce challenge précis qu’a du relever Thomas BORDIER avec l’entreprise Exapro.
Exapro est une place de marché qui met en relation acheteurs et vendeurs de machines industrielles d’occasion. Spécialiste de machines outils d’occasion, Exapro s’est installée en République Tchèque à Prague dès 2005. Son Directeur Europe Thomas Bordier partage avec nous son expérience d’entrepreneuriat à l’étranger, via une activité web.
Pourquoi et comment votre entreprise est-elle née ?
Alors qu’Internet connaissait son premier redressement et que la bulle des .com éclatait, un groupe de cadres de grosses entreprises industrielles ont identifié un potentiel de synergies entre le secteur très concret qu’est le monde des machines industrielles d’occasion et les possibilités de visibilité qu’offrait le Web. C’est ainsi que la place de marché Exapro est née, mettant en relation vendeurs d’équipements d’usine et acheteurs voulant acquérir du matériel de production à bon prix. Malheureusement et comme beaucoup d’autres cas sur Internet à cette époque là, aucun modèle économique éprouvé ne pouvait être appliqué pour garantir un succès financier. Après des centaines de milliers d’euros investis, les fondateurs n’atteignirent pas le point d’équilibre et furent forcés de jeter l’éponge. Cette même éponge fut alors reprise par certains des investisseurs minoritaires et moi-même qui croyions encore au concept d’intermédiation en négoce de machines, propulsé par le Web. Il fallait toutefois revoir les attentes à la baisse et reprendre humblement le développement en confirmant chaque étape commerciale et en acquérant une véritable expertise pour soutenir une croissance solide sur le long terme.
Quel est le plus gros challenge auquel vous avez du faire face ?
Mis à part un début difficile avec pour objectif de prouver que le modèle économique existait vraiment, il fallait donc maintenant le transformer en véritable succès entrepreneurial. Ainsi, le portail se devait de sortir de son cocon franco-français et adopter des ambitions internationales : européennes dans un premier temps, américaines ensuite. C’est ce passage d’une mentalité uniquement française intégrant une partie export à une PME multinationale avec une dizaine de langues et nationalités différentes, dont la langue commune est l’anglais, qui s’avéra être un véritable défi.
Quelle a été votre première réaction face à ce défi ?
Je crois qu’il est difficile de parler de première réaction, il s’agissait plutôt de conviction sur le chemin à emprunter, à long terme, sans certitude que le chiffre d’affaires puisse soutenir cette ambition. Tous les obstacles à surmonter paraissaient difficiles à démêler et les choix souvent trop nombreux pour être tous abordés avec sérénité. C’est le sentiment de se tenir au pied d’une montagne armé d’une petite pelle en plastique et de ne pas savoir par où commencer creuser.
Comment avez-vous fait pour analyser la situation avant d’y faire face ?
J’aimerais vous dire que nous avons effectué d’importantes études marketing, que le tout a été confirmé par un grand groupe conseil mais malheureusement, c’est encore une fois l’intuition, supportée par des ressources limitées, qui ont primé. La première idée d’internationalisation provient de l’étude des visites du site et des ventes réalisées jusqu’alors. La deuxième découlant de la première, est née du besoin de faire croître la société avec une équipe multilingue et donc de se placer centralement en Europe. Notre choix s’est rapidement porté sur Prague en République Tchèque.
Quelles décisions avez-vous prises pour mettre en exécution des actions concrètes ?
Seul employé d’Exapro à l’époque, je me suis facilement expatrié dans la capitale tchèque. Il a fallu ensuite poursuivre les ventes et structurer la filiale en parallèle pour accueillir les premiers employés : une étudiante tchèque et un Agent franco-colombien pour développer les marchés tchèque et espagnol. En raison du peu de moyens, nous avons ensuite beaucoup collaboré avec des stagiaires en Langues Etrangères Appliquées afin de développer de nouvelles langues. Ceux qui confirmaient rapidement leur capacité sur leur marché se voyaient offrir un poste en CDI. Gérer de jeunes diplômés et les motiver à créer leur propre emploi a parfois été difficile mais a donné naissance à de véritables professions. Notre Directeur Commercial en est la preuve puisqu’il est passé par tous les types de contrat et devenu maintenant le principal Cadre de l’entreprise. Progressivement, notre portail de machines d’occasion s’est vu étoffé de nouvelles langues (9 à ce jour), de nouveaux secteurs industriels (machines agroalimentaires, plastique, imprimerie, conditionnement), les postes de stagiaires ont été remplacés par des CDI et la plupart des marchés connaissent aujourd’hui une croissance soutenue.
Quelle méthode avez-vous utilisée ?
Je pense qu’une approche de développement prudent appliquée avec persévérance fonctionne particulièrement bien dans les startups. Il n’y a que très peu de raccourcis en affaires et bien qu’Internet offre des possibilités infinies, toutes ne riment pas avec succès en affaires. C’est particulièrement vrai avec le monde industriel dont les habitudes évoluent progressivement, à un rythme moins chaotique que celui d’Internet.
Qu’avez-vous retenu de cette situation aujourd’hui ?
La leçon que je retiens de l’aventure Exapro, c’est le fait qu’en affaires, il faut confirmer ses intuitions avec un maximum de sources recoupées, utiliser des moyens financièrement limités pour en tester le potentiel réel mais une fois décidé, de persévérer jusqu’à obtenir une conclusion significative.