Comme je vous le précisais sur mon article à propos de mon voyage à Madagascar, j’ai eu l’occasion de rencontrer le gérant d’une association de commerce équitable : Confiturerie Saint Joseph (les produits sont en ventes sur ce site). Je vous propose donc aujourd’hui de lire son interview.
Pourquoi entreprendre : Lors de mon séjour à Madagascar, j’ai pu vous rencontrer dans la ville de Manakara à la Confiturerie Saint-Joseph dont vous êtes le gestionnaire. Pourriez-nous en dire plus sur ce projet ainsi que sur votre parcours ?
Armel Philipon : La confiturerie Saint Joseph est une entreprise créée a l’initiative du diocèse de Faranfangana sur la cote sud est de Madagascar dans une région très enclavée. Située à Manakara, elle est actuellement gérée en partie par un coopérant de l’ONG de solidarité internationale Fidesco. Son activité consiste à valoriser une partie de l’excédent fruitier des environs en les transformant en produit de conservation plus longue. L’activité de transformation a débuté fin 2005 et concerne des confitures, gelée et coulis. Le travail est effectué en lien avec un groupement de producteurs locaux. Nous produisons une gamme de 10 confitures et gelées autour des quatre principaux fruits de la région : le litchi, l’ananas, la goyave et la passion. Nos fruits sont certifiés Bio par Ecocert et nous sommes labellisés Commerce Equitable et Solidaire de Madagascar.
En ce qui concerne mon parcours j’ai fait une école de commerce international à Reims et à Dublin puis un DESS d’ingénierie Immobilière avant de travailler pendant 5 ans dans l’immobilier commercial en tant que responsable de développement en centres commerciaux.
Après notre mariage, nous avons décidé avec mon épouse Marjorie de partir en tant que volontaires avec l’ONG catholique Fidesco qui nous a envoyé ici en mission pour 15 mois.
Ma femme est gestionnaire d’un collège, d’un centre d’éducation spécialisée pour enfants handicapés ainsi que d’une librairie et pour ma part je m’occupe de gérer la Confiturerie.
Pourquoi entreprendre : Pouvez-vous nous expliquer la particularité de votre statut ?
Armel Philipon : Nous sommes en contrat de VSI (Volontariat de Solidarité à l’International), envoyé par l’ONG Fidesco au service du partenaire local qui nous emploie ici. Ce statut a été crée pour ne pas pénaliser les gens qui veulent partir en tant que volontaires en humanitaire, en leur offrant un cadre juridique, une couverture sociale, une indemnité de vie etc…tout en restant dans un esprit d’aide aux populations locales.
Pourquoi entreprendre : Quelle est la différence entre le commerce équitable et le business classique ?
Armel Philipon : Je n’ai pas la prétention d’avoir toutes les réponses à une question aussi riche mais je dirai que le commerce équitable vise à mieux répartir les profits notamment en évitant que certains intermédiaires fassent des marges trop importantes au détriment des producteurs par exemple. D’un point de vue plus concret il s’agit de rééquilibrer certains effets néfastes de la mondialisation en laissant de la richesse pour les pays du sud, ce qui n’a pas toujours été le cas. Nous mesurons ici l’application directe de ce principe car nos confitures sont vendues au prix juste tout en achetant les fruits aux producteurs à un prix plus élevé que la moyenne des prix pratiqués.
Il s’agit de faire que la mondialisation profite à tous y compris les pays du sud notamment en créant de la valeur à partir de leurs productions.
Pourquoi entreprendre : Comment prévoyez-vous de faire la promotion de votre activité pour continuer de la développer ?
Armel Philipon : Nous communiquons progressivement et à la hauteur de nos productions. Suite au travail des coopérants qui se sont succédés sur ce projet depuis ces dernières années nous avons désormais atteint un niveau de production tout à fait acceptable tant au niveau de la qualité que de la quantité. Aussi les pots sont déjà en vente en France depuis l’année dernière, ils sont vendus sur Internet sur le site de vente en ligne de la marque Alter Eco, spécialisé en commerce équitable (www.nosmeilleurescourses.fr.). Nous misons beaucoup sur la vente sur Internet et le buzz que nous pouvons créer autour de ce modeste projet. C’est aussi grâce à l’initiative de site comme le votre que nous espérons faire un peu parler de nous pour sensibiliser les gens et distribuer nos pots de confitures !
Nous sommes d’ailleurs actuellement à la recherche d’autres points de vente (aussi bien sur Internet que dans des boutiques) pour densifier notre commercialisation en France.
Pourquoi entreprendre : Comment faites-vous face à la concurrence des commerces “non équitables” ?
Armel Philipon : Mais on aimerait bien avoir de la concurrence ! Je m’explique : ce projet est fait pour aider la région et créer de la valeur pour la redistribuer ici à ceux qui ont besoin tout en transmettant des savoirs faire. Si nous pouvons servir d’exemple et que d’autre veulent nous copier qu’ils le fassent ! Nous encouragerons d’ailleurs ces initiatives en dispensant des formations et en fournissant des pots et des couvercles pour ceux qui se lancent dans ce type de projet.
Du point de vue des produits, on n’est pas vraiment en concurrence avec eux car nous n’avons pas les mêmes cibles et nous ne pouvons pas rivaliser en terme de prix. Nous nous efforçons donc de produire de la confiture de qualité avec des goûts exotiques à un prix juste pour faire vivre le plus de gens sur ce projet. Heureusement de plus en plus de gens sont sensibles à ce discours. Ce n’est pas pour autant que nos produits sont forcément plus chers, allez faire un tour sur le net et vous verrez que pour des fruits exotiques et des produits originaux, de cette qualité le prix n’est pas du tout exagéré. Evidemment ce n’est pas comparable à des confitures « goût » fraise ou « goût « abricot produites en millions de tonnes et vendues en pot d’1kg…
Pourquoi entreprendre : Entreprendre à Madagascar n’est-il pas trop compliqué pour un étranger ?
Armel Philipon : En fait, nous ne pouvons pas répondre à cette question car nous ne pouvons pas nous considérer comme des entrepreneurs. Nous travaillons ici pour et avec des malgaches pour des projets de développement soutenus par l’Eglise locale, très implantée à Madagascar dans tout ce qui concerne l’enseignement, le développement et la santé.
Nous bénéficions ainsi d’un cadre juridique, d’une structure et d’un réseau bien spécifique qui sont très utiles au développement des projets ici. Nos partenaires, nos collègues et notre patron sont malgaches, nos réflexes de vazahas (étranger en malgache) sont présents mais néanmoins déjà bien dilués dans la culture locale. Cela demande certes un peu d’adaptation mais rien de bien méchant.
Pour quelqu’un qui vient ici pour entreprendre sans cet appui et sans ce réseau, nous n’avons pas la réponse mais je pense que c’est forcément plus compliqué.
Pourquoi entreprendre : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui aimeraient entreprendre à l’étranger et notamment à Madagascar ?
Armel Philipon : J’en donnerai qu’un seul :
Ne pas le faire que pour soi mais le faire dans le souci de créer une entreprise pour et avec les autres en prenant toujours en compte le contexte local et historique des gens avec qui ont veut travailler.
Merci beaucoup Armel pour cette interview et bonne continuation pour votre beau projet !