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Cette chronique est une chronique invitée écrite par Laurent Hausermann, auteur du site En route pour l’innovation
Bien avant l’invention des fonds d’investissement, les chinois avaient trouvé une solution. Dans la Chine ancienne, lorsqu’un voisin, un parent ou un cousin voulait monter son commerce, il réunissait l’ensemble de ses connaissances. Chacun prêtait à hauteur de ses moyens (100, 1000, 10000) et le créditeur s’engageait à les rembourser… il n’y avait pas de contrat, pas d’écrit, juste un engagement moral. Était-ce pour autant des promesses en l’air ? Y-avait-il des risques de non remboursement ? Non parce que l’engagement était avant tout fort et social.
De nos jours ce système perdure. Un récent reportage du magazine économique “Capital” sur M6 nous montrait des magasins chinois, installés à Paris, dans le textile, reproduisant le même système. Je suis immigré, j’arrive dans un pays que je connais pas, j’y retrouve de lointains cousins ou de simples compatriotes. Ils me prêtent de quoi établir mon commerce. J’ai envers eux une dette indélébile qu’il me faudra rembourser (ou mes enfants). Je ne paie pas d’intérêts. Par contre mon engagement est sans faille.
Ce système s’appelle la Tontine. Loin des banques et leurs taux d’intérêt souvent exorbitants, loin des investisseurs et des parts de capital dans l’entreprise ; les chinois ont inventé un système qui permettait la libre entreprise, même sans posséder de grandes ressources financières. Un système qui permettait aussi d’être entouré, conseillé et porté dans son projet de création.
Bien entendu il était impératif de rembourser, son honneur voire plus est en danger. Il faut aussi bien souvent payer des intérêts même s’ils ne sont pas strico sensu obligatoires.
De nos jours, Internet remplace ce système archaïque. De nouveaux sites dits de crowdfunding apparaissent. Les plus célèbres d’entre eux sont Kickstarter et IndieGoGo. Ses sites web sont des plate-formes de financement collaboratif. On y dépose son projet au travers d’un titre accrocheur, d’une courte description et bien souvent d’une vidéo attractive.
Les internautes sont invités à se transformer en backers : selon le niveau financier versé par l’internaute, ils se voient attribuer des cadeaux d’estime ou le produit fini ou même un package VIP (série limitée, rencontre avec les créateurs).
Un projet récent a extrêmement bien marché sur le site Kickstarter. Il s’agit de l’imprimante 3D “Form”.
276 internautes ont versé 5$ pour un plan en 3D de l’imprimante, 129 ont commandé un teeshirt à 29$, et plusieurs centaines ont acheté l’imprimante à un prix d’environ 2500$ (les premiers arrivés ayant eu une remise intéressante !). Au total, 2068 internautes ont amené plus de 2 millions de dollars ! ($2,945,885)
Ainsi les sites de crowdfunding permettent-ils aux concepteurs et autres créateurs de trouver un public pour financer leurs rêves. Près de trois millions de personnes ont contribué à un total de 30.000 projets de collecte de fonds sur Kickstarter, pour un total de 300 millions de dollars de promesses de dons.
Ses sites vont plus loin que la simple tontine en cercle privé. Déposer un projet sur Kickstarter, c’est à la fois :
- Recevoir des conseils et valider ses idées puisque chacun visiteur du projet peut déposer des commentaires et émettre des avis sur la page “forum” du projet. Bien entendu, chaque projet est relié à ses pages et comptes sur les réseaux sociaux.
- Trouver une banque, puisque si le projet atteint son financement, ses créateurs recevront la somme. Si le projet n’atteint pas la limite, alors aucune somme ne sera versée.
- Compléter ses investisseurs, mais d’une façon différente et originale. En effet, il n’y a pas de capital investi dans l’entreprise, donc les fondateurs gardent le contrôle de leur boite.
- Renforcer sa trésorerie pour par exemple, démarrer la production de son produit. Bien souvent en amorçage, il est délicat de démarrer parce qu’on a besoin de faire produire 1000 ou 5000 pièces à partir de son idée et sans argent initial, pas de premier lot de production ! Le crowdfunding permet de s’affranchir de cette contrainte.
- Améliorer sa réputation en étant très visible : Kickstarter est devenu un annuaire de facto des projets d’innovation !
- Trouver des client car la plupart du temps, les backers sont les premiers clients et achètent le produit avant tout le monde alors qu’il n’est encore qu’une idée.
Finalement, pour un jeune patron c’est une façon de trouver des fonds, des clients et de démarrer son business…sans même jamais lâcher 1% du capital de l’entreprise !
Mais attention à ne pas croire en l’eldorado. Il existe un revers à la médaille ! Un récent article du New York Times, nous décrit le difficile retour à la réalité d’entrepreneurs sans aucune préparation et complètement dépassés.
L’article détaille les difficultés du projet Diaspora. Quatre étudiants cherchaient alors à construire une alternative open-source à Facebook. Ils s’étaient fixés comme objectif de récolter une somme modeste (10.000 $). Mais à leur grande surprise, ils ont levé 200.000 dollars, au travers 6.500 personnes.
Trois ans plus tard, ils décidaient de se lancer sur un autre projet, abandonnant le code source de Diaspora. Que s’est-il passé en trois ans ? Une forte pression sur leurs épaules, des journées à répondre à des milliers d’emails, à faire des T-Shirts pour leur backers…et très peu de temps pour développer leur entreprise. Ils avouent eux-mêmes ne pas s’être préparés à un tel engouement et avoir été complètement dépassés par leur succès. Et l’argent me direz-vous ? Ils l’ont gaspillé et dépensé…
Après trois années d’engouement pour les plateformes de crowfounding, les années à venir semblent plus délicates pour ces sites web. Je pense qu’ils doivent impérativement se renouveler, peut-être trouver un moyen pour valider les projets, en les sélectionnant. Protéger le quidam d’un mauvais projet semble être impératif pour la survie de ce financement innovant. Un système basé sur la réputation comme pour les ventes EBay ? Une curation humaine comme pour les applications sur iPhone ? Encore un vaste terrain d’innovation à parcourir, et bien des idées et des débats à avoir sur les sites “Pourquoi Entreprendre” et “En route pour l’Innovation” !
Merci à tous pour vos commentaires !
Laurent Hausermann (@lhausermann)
“En route pour l’innovation” est l’histoire d’une passion : la création de nouvelles activités, l’ouverture de nouveaux marchés, la mise au point de business, la croissance “d’entreprises”. J’y partage des idées, des points de vues et quelques recettes. J’y parle d’innovation et d’agilité. J’y démolis certaines idées reçues héritées du passé. J’y montre comment nos vieilles habitudes d’encadrement, d’organisation ou de fonctionnement sont obsolètes.